Pour celles et ceux qui ont un jour dirigé une entreprise en France, l'Indicateur Dirigeant de la Banque de France doit leur parler.
Pour faire simple, c'est une note (appelons les choses par leur nom) qui peut prendre 4 valeurs :
- 000 : tout va bien, rien à dire
- 040 : attention particulière requise
- 050 : attention forte requise
- 060 : attention très forte requise
Un dirigeant qui a mené son entreprise dans une procédure collective type Sauvegarde ou Redressement Judiciaire obtient la note de 040 pour une durée de 3 ans suivant la signification du jugement par le Tribunal de Commerce. La note de 050 est attribuée si l'histoire se termine en Liquidation Judiciaire et 060 intervient lorsque la Liquidation Judiciaire est étendue au dirigeant (voir à ce sujet l'article D 144-12 du Code Monétaire et Financier).
Quelques conséquences pratiques
Le vrai problème est qu'on nage en pleine langue de bois. En effet, lorsqu'on lit la documentation jointe par la Banque de France à la note qu'on reçoit on trouve ceci :
Dénué de tout jugement de valeur sur les capacités de gestionnaire du dirigeant, ses critères d'attribution sont totalement objectifs : l’indicateur dirigeant est uniquement fondé sur des données publiques librement accessibles auprès des greffes de tribunaux compétents en matière commerciale, que la Banque de France synthétise au moyen d’une grille de lecture transparente.
Cet indicateur n'est pas une sanction : il appelle simplement l’attention des banquiers sur des informations recueillies auprès de sources officielles. La Banque de France ne porte aucun jugement sur la personne et s’abstient, au travers de cet indicateur - reflet d’enregistrements de jugements par les greffes des tribunaux - de toute appréciation sur les éléments ayant conduit à l’attribution de l’indicateur. L’indicateur dirigeant, comme toutes les informations FIBEN, n’a pas vocation à être diffusé au public, à la différence des informations publiées aux greffes des tribunaux. C’est un élément mis à disposition des seuls établissements de crédit pour leur permettre de prendre connaissance plus rapidement de situations objectives qui ne sont en aucun cas des révélations d’éléments nouveaux, mais qui peuvent éventuellement générer des demandes d’explications complémentaires de leur part en cas d’entrée en relation ou de sollicitation d’un crédit.
Il n'y a pas grand chose à dire sur l'objectivité des critères dans la mesure où c'est uniquement l'existence de procédures collectives qui permet d'établir ces notes.
En revanche, lorsque la Banque de France dit "cet indicateur n'est pas une sanction", on se rend compte que soit elle n'a jamais été au contact avec des banques, soit elle ne connaît pas l'économie réelle. En effet, ayant moi-même reçu la note 040 suite à la mise en Redressement Judiciaire de ma société, lorsque j'ai voulu en créer une nouvelle, dans un autre domaine, on m'a clairement fait savoir qu'il fallait que je n'apparaisse que comme associé minoritaire si je voulais que la banque accepte d'ouvrir un compte pour l'entreprise.
On me dira évidemment que c'est totalement illégal et que, ce faisant, la banque a outrepassé ses droits, mais c'est en tout cas la réalité !
Par ailleurs, ce qui est gênant dans l'approche de la Banque de France, c'est qu'elle génère un problème pour s'en dégager ensuite. En effet, elle fixe la note et c'est ensuite au dirigeant (ou à l'ex-dirigeant qui veut redémarrer une activité) et à la banque de se débrouiller. Comment peut-on agir aussi légèrement ?
Une note nécessaire ?
On peut enfin se poser légitimement la question sur la nécessité d'une telle note. En effet, les données au Greffe du Tribunal de Commerce sont libres d'accès et tout organisme bancaire peut donc parfaitement chercher des informations sur les entreprises jadis dirigées par la personne qui vient les solliciter, pour savoir comment elles se portent. De là peut ensuite se construire un véritable dialogue où le dirigeant et le banquier sont à armes (presque) égales.Des effets sur la personne physique
Mais, ce qui est choquant, c'est la naïveté (pour ne pas dire autre chose) de la Banque de France quant à l'usage qui est fait de cette note sur la personne physique du dirigeant. Que nous dit-elle en effet ?Seuls les établissements de crédit et les administrations à vocation économique ou financière ont accès à l’indicateur dirigeant, de manière sécurisée, via FIBEN."Les établissements de crédit sont totalement libres de prendre en compte ou non les données relatives à l'indicateur dirigeant (...)". De qui se moque-t-on ? A-t-on déjà vu une banque passer outre une "alerte" générée par la Banque de France ? C'est méconnaître le génome des banques : elles ne raisonnent qu'en termes de risques. Or un client potentiel qui a trébuché dans le passé est (en France) une personne à risque. La banque n'en voudra donc pas.
Les établissements de crédit sont totalement libres de prendre en compte, ou non, les données relatives à l’indicateur dirigeant dans la gestion de leur activité de distribution du crédit professionnel, qu’il s’agisse d’instruction de demandes de crédit ou du contrôle de leurs risques.
Comme la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés l’a rappelé dans sa délibération n° 2009-498 du 17 septembre 2009, la prise en compte des données diffusées dans FIBEN pour l’examen d’une demande de crédit présentée par une personne physique pour des besoins non professionnels (crédit personnel) est prohibée. Ce principe fondamental est clairement spécifié dans toutes les communications institutionnelles produites par la Banque de France.
Ensuite, "la prise en compte des données diffusées dans FIBEN pour l'examen d'une demande de crédit présentée par une personne physique pour des besoins non professionnels est prohibée". Sérieusement, pensez-vous un seul instant qu'il en soit ainsi ? Je vais faire le test et raconterai le résultat sur ce blog, mais je suis prêt à parier gros que pas une seule banque ne voudra m'accorder un crédit à titre personnel avec ma note ! Evidemment, pour être conforme au dogme érigé par la Banque de France; chaque organisme bancaire trouvera une raison plus ou moins bancale, mais le résultat sera le même ...
Encore une fois le scandale est réel : non seulement cette note entrave très sérieusement la capacité d'un dirigeant à rebondir mais encore elle lui coupe les ailes à titre personnel. La seule solution : trouver un associé qui soit prêt à intervenir dans la lumière pour contourner les effets désastreux de cette note ou partir à l'étranger pour se refaire une virginité car, Dieu merci, la Banque de France n'a d'influence que sur le territoire français et culturellement il y a des pays qui sont plus enclins à comprendre qu'un échec peut arriver et que, pour peu qu'on en ait analysé les causes, il pourra servir utilement à d'autres projets.
Et vous, avez-vous été victime de la notation Banque de France ?
Pour aller plus loin :
Bienvenue dans la réalité des entrepreneurs en France. Il y aurait tant et tant à dire sur le comportement mafieux des banques françaises...
RépondreSupprimerUn exemple : venant de signer un contrat de 24 mois m'obligeant à recruter une équipe supplémentaire de 8 personnes (CDD), j'ai demander à ma banque de m'aider à financer mon BFR (12% de résultat net depuis 5 ans). Simple non ? Et bien mon banquier à estimer qu'il y avait trop de difficultés sur les prêts sociétés en ce moment, mais toutefois, il pouvait le faire si je prenais un crédit personnel avec ma maison en gage. Edifiant non !
Depuis 25 ans que je suis entrepreneur, j'en ai vu de toutes les sortes. Le décalage entre la fausse naïveté de la banque de France et la réalité n'est pas une nouveauté. C'est le même décalage qu'il existe entre la société politique et la société civile.
J'étais fier d'être français, dans une autre vie. Je reste fier d'être entrepreneur. Mais les conditions de l'entreprise en France sont telles que j'ai préféré conduire des véhicules hors des sentiers battus, en tant que mécanicien, pour vivre de ce que je crée, sans m'en faire confisquer plus de la moitié à chaque fois.
C'est triste et je le regrette. Mais c'est ainsi. Un ami me disait hier encore : La France ? C'est la Corée du Nord pour les Entreprises. A méditer et sans rancune.
pour Anonyme19 février 2013 01:56
Supprimerla médiation du crédit est faite pour vous, www.mediateurducredit.fr/
au sujet de l'indicateur dirigeant :
RépondreSupprimer1. ce n'est pas une "note" et en aucun cas ne reflète un jugement de valeur sur les capacités des dirigeants.
2. il n'est attribué uniquement QUE si une LJ est attribuée ou pour les sanctions commerciales à l’encontre des dirigeants.
3. il constitue un signalement pour le banquier pour lui permettre de réaliser une analyse plus approfondie du dossier
4. à la fin 2012, près de 97,5% des dirigeants recensés dans FIBEN avaient un indicateur neutre (000).
5. Fondamentalement, les établissements de crédit restent totalement libres de leurs décisions (octroi de crédits,…) quelles que soient les cotations attribuées aux entreprises et les indicateurs aux dirigeants.
6. certains établissements bancaires sont effectivement très frileux avec un indicateur non neutre mais certains (dont souvent les mutualistes) n'y trouve aucun problème
les règles d'attribution et de répercussion sur autres sociétés détenues ont été, par ailleurs, depuis plusieurs années très assouplies !
Merci pour cet éclaircissement.
SupprimerJe note que si effectivement 97.5% des dirigeants recensés dans FIBEN avaient un indicateur neutre en 2012, on peut se poser la question de la légitimité de cet indicateur ...
la légitimité repose dans le fait qu'il ne repose que sur des données publiques et factuelles
SupprimerJe me suis effectivement mal exprimé. Je comprends parfaitement la "légitimité" de cet indicateur. En revanche, je pense être en droit de m'interroger sur son utilité dans la mesure où les informations qui servent à l'établir sont publiques et par conséquent parfaitement disponibles pour les établissements bancaires.
Supprimerbonjour article obsolète, le 040 a été supprimé le 2/9/13...
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