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Etant moi-même conseiller prud'homal, je peux témoigner du fait que bien des affaires qui nous arrivent en Bureau de Jugement pourraient ne pas exister.
En fait, comme partout, il s'agit essentiellement de problèmes de relations humaines. Pendant des années, tout va bien et puis un jour, pour une raison qu'on ignore souvent, quelque chose se casse et le conflit naît. Alors, il n'y a plus rien à faire pour les parties qui décident de s'en remettre à la justice pour régler leur différend.
Pourtant, avec un peu de bonne volonté et beaucoup de sagesse, on pourrait tuer dans l'oeuf bien des conflits et limiter ainsi des charges parfois importantes à l'entreprise. Voici donc quelques moyens d'éviter de régler un conflit devant un conseil de prud'hommes ...
1) Petit rappel de procédure
La saisine du Conseil des Prud'hommes peut se faire par tout salarié (ou employeur, même si c'est nettement plus rare) qui s'estime lésé et qui pense que le droit du travail n'a pas été respecté.La procédure est, pour simplifier, en deux étapes :
- l'Audience de Conciliation, qui n'existe pas en cas de procédure collective pour l'entreprise (par exemple lors de la demande de la régularisation d'heures supplémentaires dans une entreprise en Liquidation Judiciaire), mais qui permet, comme son nom l'indique, de tenter de trouver un accord amiable entre les parties
- l'Audience de Jugement qui juge sur l'affaire sur le fond
Les principaux points à connaître sont :
- ce qu'on nomme "l'oralité des débats" : autrement dit, c'est ce qui est dit pendant les plaidoiries qui compte. Par défaut, une demande non écrite au préalable et non demandée lors de l'audience ne sera pas retenue, même si le plaignant y a théoriquement droit
- la conciliation est possible jusqu'à la clôture des débats lors de l'audience de jugement (ce fait doit être rappelé car souvent les personnes pensent que c'est seulement lors de l'Audience de Conciliation qu'un accord peut être trouvé entre les parties)
- selon les Conseils de Prud'hommes, les règles sont différentes, mais il existe un nombre limité de renvois d'audience au-delà duquel l'affaire est radiée. En pratique, cela signifie que les parties peuvent la réinscrire au rôle, mais cela fait perdre du temps.
- si le demandeur ne se présente pas à l'audience et ne se fait pas représenter, le Conseil peut prononcer la caducité de la demande. C'est un peu comme la radiation, sauf que cela restera inscrit au dossier. Cela signifie qu'ensuite, il sera plus compliqué au demandeur de justifier de demandes s'il n'a pas daigné se présenter lors des premières audiences. Les conseillers prud'homaux considèrent souvent cela d'un mauvaise oeil et pour citer une expression de droit que j'aime beaucoup, cela donne l'impression que le demandeur voulait "battre monnaie" de manière abusive ...
2) Pourquoi on en arrive là ?
Comme je le disais en introduction, le recours aux Conseils de Prud'hommes est souvent la conséquence d'un conflit, larvé au début mais qui éclate lorsque l'employeur finit par se séparer de son salarié.Mais, même si la relation entre l'employeur et son salarié se dégradent et que l'employé ne comprend pas toujours (ou comprend bien, mais n'accepte pas ...) les raisons de son licenciement, il reste que si l'employeur applique les règles du droit du travail, le salarié n'aura aucun recours légal contre lui.
C'est là qu'est le problème : très souvent, l'employeur licencie son salarié sans tenir compte des prescriptions du Code du Travail. Pire, il agit souvent comme si le droit du Travail n'existait pas. Je me souviens ainsi d'un salarié qui se plaignait d'avoir été licencié sans préavis et surtout de ne pas avoir été payé pendant les 3 mois pendant lesquels il avait travaillé dans l'entreprise de son ex-employeur. Réponse de l'employeur : "il était mauvais, je ne vois pas pourquoi j'aurais dû le payer !" C'était en 2012, en France ...
Evidemment, tous les employeurs ne sont pas comme celui-là et la quasi-totalité des chefs d'entreprise sont des gens honnêtes. Mais ce ne sont pas des juristes et souvent, les arrangements qui contentent tout le monde quand tout va bien se retournent contre eux quand tout va mal ... Ainsi les heures supplémentaires payées en espèce car tout le monde s'y retrouve se transforment soudain en "travail dissimulé" avec plainte au Procureur de la République ...
Et puis il y a les employeurs qui ont du mal à séparer leur métier de leur vie affective. Il est assez régulier de voir des affaires qui ne sont que les conséquences sordides d'une rupture entre l'employeur et sa maîtresse-salariée ... Où un employeur qui s'amourache de sa salariée alors que sa propre épouse est comptable de l'entreprise ...
Dans tous les cas, le point commun est le non respect par l'Employeur, du Code du Travail et surtout, de l'usage (parfois "abusif") de ce Code du Travail par le salarié. Ainsi pour les heure supplémentaires : si le salarié présente un relevé d'heures qu'il a soit-disant effectuées et que l'employeur ne peut pas faire la preuve que ces heures n'ont pas été faites, il va devoir les payer ...
Il y a en effet une dissymétrie dans le droit du travail où on constate, en dehors de toute idéologie partisane, qu'il est généralement plus favorable au salarié qu'à l'employeur.
3) Comment faire pour éviter les Prud'hommes ?
On ne le répètera jamais assez, il y a deux règles à suivre pour limiter (voire éliminer) le risque prud'homal :- se faire conseiller par des personnes dont c'est le métier : dans tous les Barreaux de France et de Navarre il existe des avocat(e)s spécialisé en Droit du Travail. Il faut absolument utiliser leurs services lorsqu'on veut se séparer d'un salarié
- il faut respecter le Droit du Travail. C'est souvent une contrainte mais il faut en passer par là pour éviter de prêter le flan aux attaques futures des salariés. Encore une fois, les avocats, voire les agents de la DDTEFP (Inspection du Travail) peuvent aider efficacement l'employeur
Ayez toujours à votre disposition un exemplaire de la Convention Collective applicable (attention, la plupart du temps, il existe différentes Conventions Collectives suivant les collèges : Ouvrier/ETAM/Cadre). En cas de question, n'hésitez pas à les consulter et à partager vos réflexions avec vos salariés. Encore une fois, quand tout va bien, ce dialogue est parfaitement possible.
Le mot est lâché : dialoguez ! Combien de fois j'ai pu voir des parties refuser de concilier pour des questions de principe ! L'employeur s'arc-boute sur son honneur et sa position de chef d'entreprise et le salarié ne veut pas perdre la face. Il faut savoir qu'en Conciliation (ou avant même de saisir le Conseil de Prud'hommes), les sommes échangées entre les parties sont quasiment tout le temps sensiblement inférieures à celles qui peuvent être demandées suite à une condamnation.
Et puis, les conflits sont des affaires humaines. Et ce qui est à l'origine du problème peut également en être la solution. Il faut savoir parfois mettre sa fierté dans sa poche et accepter d'écouter les demandes de l'autre partie. La discussion permet très souvent, entre personnes de bonne foi, de trouver un accord. Accord qui sera finalement gagnant-gagnant.
Il n'y a donc pas de règle absolue pour éviter les Prud'hommes, mais dans la très grande majorité des cas, le dialogue, le soutien de conseils professionnels et un peu de bonne volonté permettent de limiter les effets d'un conflit entre un salarié et son employeur.
Et vous, avez-vous déjà pu éviter d'aller devant un Conseil de Prud'hommes ?
Pour aller plus loin :
malheureusement, le salarié est souvent "poussé" à la procédure contre ce s... de patron, poussé par des "conseillers" qui lui font miroiter la possibilité de récupérer des sommes fabuleuses...Un peu comme dans les divorces, finalement. Et comme dans les divorces, on nous dit que rien ne vaut la conciliation. Wishful thinking...
RépondreSupprimerC'est assez vrai que souvent des avocats poussent leurs clients à formuler des demandes importantes ... D'où l'importance d'essayer de transiger au plus tôt, entre 4 yeux ! D'ailleurs, c'est comme partout, si on ne veut pas qu'un problème dégénère, il faut le traiter le plus en amont possible
RépondreSupprimerEn tant qu'ancien employé, je regrette que l'on n'accorde pas une réelle importance à l'audience de conciliation, hélas elle n'est plus considérée que comme une formalité à accomplir tambour battant pour obtenir une date devant le bureau de jugement, certains avocats, d'ailleurs, n'incitent pas réellement leurs clients à la négociation... Et la plupart des conseillers prud'homaux n'incitent pas assez à la négociation, pour ce que j'ai pu en voir. C'est regrettable!
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