lundi 25 août 2014

Baisse de charges = embauches ?



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Le gouvernement actuel propose un « pacte » aux entreprises qu’on peut résumer comme suit : je m’engage à baisser vos charges pendant 3 ans et en contrepartie vous embauchez. Le problème est que nous sommes en France et que depuis la seconde partie du XVIIème siècle et la mise en place d’un interventionnisme étatique fort, les chefs d’entreprise se sont toujours méfiés des initiatives venant de l’état.



La question qu’il faut se poser, et qui est à mon avis celle que se posent les chefs d’entreprise, est : peut-on faire confiance à ce type de pacte ? La question subsidiaire et qui n’est pas pour autant à négliger est : ce type de mesure a-t-il un sens ?


Quelques chiffres

Avant d’avancer dans le raisonnement, il faut partir des chiffres. Le gouvernement annonce 40 milliards d’euros de réductions de charges sur 3 ans, ce qui fait environ 13 milliards de réduction par an. Or la France compte 3.2 millions de PME (je ne parle ici que des PME et pas des entreprises plus importantes ou des grands groupes côtés, sachant que ces PME représentent 52% de l’emploi salarié).

Si on considère qu’il y a une répartition équilibrée parmi toutes ces entreprises, cela signifie que pendant 3 ans, elles bénéficieront d’une réduction d’un peu plus de 4 000 € de charges annuelles. Or une embauche, même au SMIC et pour un travail à 35h hebdomadaires coûte à peu près à l’entreprise 2 400 € par mois, soit un peu moins de 29 000 € par an.
D’un côté on a donc une charge supplémentaire de 29 000 € par an pour l’entreprise contre une économie de charge de 4 000 €. Autrement dit, les entreprises qui verraient dans cette mesure un effet d’aubaine pour « gagner » de l’argent se trompent. Le seul gagnant dans cette affaire sera l’état qui collectera plus que 4 000 € par an en recettes diverses liées aux cotisations sociales …

Elles se trompent d’autant plus que les annonces du gouvernement sont un pacte de 3 années. Or dans 3 années, à supposer que tout soit mis en place début 2015, cela signifie que le « plan » serait terminé fin 2017. D’ici-là il est possible qu’une nouvelle majorité ait pris le pouvoir et que le pacte tombe aux oubliettes, les entreprises restant alors avec leur salarié qui leur coûterait plein pot.


Pourquoi une entreprise recrute ?

Le second problème est que recruter un salarié peut être une bonne chose mais à deux conditions :

  • que l’entreprise ait un carnet de commandes qui justifie une hausse de son activité
  • que le salarié ait les compétences adéquates afin qu’il puisse être immédiatement performant


Or actuellement, il y a une majorité des PME qui n’ont pas la visibilité suffisante pour justifier l’embauche d’un salarié supplémentaire, d’autant que, et ce n’est un secret pour personne, à part les bassins d’emploi bien pourvus, les larges zones rurales du territoire ne permettent pas de trouver les personnes avec les bonnes compétences.

Car le nœud du problème est là : une entreprise n’embauche que si elle a du travail et qu’elle a une visibilité à un terme de quelques années. Vues la lourdeur administrative lors de la rupture du contrat de travail, les risques prud’homaux importants et le manque de visibilité et de confiance en l’avenir des chefs d’entreprise, il est peut probable qu’une large majorité d’entre eux tombent dans le piège de ce pacte qui fit miroiter le gain de quelques milliers d’euros contre un engagement beaucoup plus fort.

En réalité, il faut bien comprendre que cette mesure va surtout intéresser les entreprises qui ont déjà bénéficié des effets du CICE : les grandes entreprises, dont certaines ont l’état comme actionnaire (SNCF, La Poste, Orange, etc..). Ce sont des entreprises qui peuvent se permettre d’embaucher car elles ont cette visibilité qui manque aux PME et qui ne prennent pas de risque important en augmentant leur masse salariale. De plus, les PME représentent certes 52% de l’emploi salarié en France, mais cela signifie que les autres entreprises représentent quand même 48% de l’emploi, ce qui n’est pas rien !


Un problème de culture ?

En fait, tout se résume à un problème de confiance en l’avenir pour les dirigeants de PME. S’ils étaient confiants, ils embaucheraient (avec ou sans aide de l’état). Ces incitations ne traitent donc pas le vrai problème.

Selon moi, le vrai problème tient également aux marchés visés par ces PME. Le gouvernement ne cesse de mettre en avant le secteur du bâtiment comme un secteur à favoriser car il permet d’offrir des emplois non délocalisables du fait de la nature même de son activité. Dans le même temps, nous ne cessons de jalouser notre voisin d’outre-Rhin, mais a-t-on seulement regardé comment fonctionnaient ses entreprises : elles sont tournées vers l’export tandis que nous sommes obnubilés par la consommation de nos ménages …

A-t-on jamais compris que nous ne sommes plus à l’époque du Louis XIV ou de Napoléon, où la France dictait sa loi sur le monde économique européen ? Nos fameux ménages ne représentent plus aujourd’hui que 1% des ménages du monde ! Quelle entreprise sérieuse dépenserait toute son énergie à conquérir 1% d’un marché ?!

En plus, la conjoncture actuelle montre que notre économe nationale tend lentement mais sûrement vers une déflation, c’est-à-dire que les ménages en question préfèrent mettre leurs quelques excédents dans de l’épargne plutôt que dans des dépenses de produits ou de services français … Ainsi nos entreprises qui sont obsédées par le marché français ont des raisons de ne pas avoir confiance en l’avenir. Pour cela, il faudrait qu’elles regardent au-delà des frontières et exportent leur savoir-faire en s’appuyant sur cette image encore forte qui est la marque « France ».

La seule façon pour nos PME de retrouver le moral, donc d’embaucher et de ne pas dépendre d’un quelconque pacte (dont le terme seul de « pacte » a quand même une connotation assez malheureuse …)  est de sortir de ses frontières, de s’ouvrir sur le monde.



Je pense donc qu’à l’instar des pactes avec le diable dont notre histoire populaire nous relate les faits, le pacte de responsabilité actuel est un marché de dupes. Mais qu’on ne se trompe pas, de même que le but du diable est de récupérer l’âme du pauvre hère qui signe le pacte avec lui, le pacte de responsabilité a essentiellement pour vocation d’intervenir dans l’entreprise en lui dictant sa conduite.
Les PME peuvent et doivent rester indépendantes mais pour cela il faut qu’elles regardent au-delà des frontières et pensent sérieusement à exporter.  Ainsi, ce ne seront pas des baisses de charges qui conduiront à des embauches, mais bien un changement de stratégie de développement.



Et vous, pensez-vous que des baisses de charge puissent conduire à des embauches ?


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